Deleuze
Précédente Accueil Remonter Suivante

 

Gilles Deleuze et les médecins.

 

présenté par
26 décembre 2003

 

Gilles Deleuze est responsable aux yeux de beaucoup, d'un extraordinaire courant d'air dans la pensée, ils le considèrent comme le plus philosophe des philosophes de cette fin du XX° siècle. Michel Foucault a dit de lui: 

"Une fulguration s'est produite, qui portera le nom de Deleuze… Un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien." (1) 

Son œuvre a tout balayé, tout déplacé, jusqu'à la définition même de la philosophie.(2)

Gilles Deleuze n'a rien écrit de spécifiquement médical si ce n'est son très célèbre Anti-oedipe qui est une remise en cause radicale de la psychanalyse et du capitalisme en même temps que l'exposé d'une conception nouvelle du désir. Mais la psychanalyse fait-elle partie intégrante de la médecine, rien n'est moins sûr. Ce n'est donc pas à ce titre qu'il figure ici mais en tant qu'interlocuteur du monde médical et grand utilisateur de médicaments. 

Gros fumeur, atteint d'une tuberculose pulmonaire grave en 1968 (3) puis d'une BPCO évoluant vers une insuffisance respiratoire grave qui lui laissait de moins en moins de temps pour penser, son état d'épuisement (4) le décide à rejoindre volontairement l'histoire des philosophes qu'il a tant exécrée (5) et de nous quitter le 4 novembre 1995.

Voici ce qu'il disait des médecins:

"J'ai une grande haine non pas pour la personne des médecins qui sont souvent charmants, délicieux, mais pour le pouvoir médical et la façon dont les médecins l'utilisent. Comme ils travaillent de plus en plus avec des appareils et des épreuves, assez désagréables pour le patient, épreuves dont on a l'impression qu'elles n'ont absolument aucun intérêt sauf de les conforter dans leur diagnostic, il n'y a qu'une chose qui me ravit et en même temps qui les mécontente, c'est à chaque fois que j'ai pu passer 'sous' leurs appareils, que mon souffle était trop mince pour être enregistré, ma joie, c'est qu'à ce moment là, ils sont fou furieux, ils haïssent leur patient. Ils acceptent très bien de se tromper de diagnostic mais ils n'acceptent pas qu'on ne soit pas saisi par leurs appareils dont ils jouent de façon inadmissible.

Et puis ils sont trop incultes ou alors quand ils se lancent dans la culture, c'est une catastrophe. Enfin ce sont de drôles de gens les médecins. Ma consolation, c'est qu'ils gagnent beaucoup d'argent mais qu'ils n'ont pas le temps de le dépenser vraiment, d'en profiter parce qu'ils mènent une vie extrêmement dure. Enfin les médecins ne m'intéressent pas beaucoup, indépendamment des personnalités encore une fois qui peuvent être exquises, mais dans leur fonction ils traitent les gens comme des chiens. C'est vraiment la lutte des classes car si on est un peu riche, ils sont déjà un peu plus polis, sauf en chirurgie, les chirurgiens c'est encore un autre cas mais les médecins, ça ne va pas fort, il faudrait une réforme quand même car il y a un problème." (6)

Les médicaments.

"Ca ne m'ennuie pas les médicaments, ça fatigue évidemment, ce petit tas de médicaments tous les matins c'est une bouffonnerie mais j'ai le sentiment que c'est très utile aussi. Même dans le domaine de la psychiatrie, j'ai toujours été pour les médicaments et pour la pharmacie."

La maladie

"La maladie doit servir à quelque chose comme le reste. Pour moi, la maladie n'est pas une ennemie, ce n'est pas quelque chose qui donne le sentiment de la mort, c'est quelque chose qui aiguise le sentiment de la vie...
Quant aux bénéfices secondaires de la maladie, il faut s'en servir pour être plus libre ou alors on se surmène, ce qui est fâcheux. Si on se surmène pour réaliser une puissance quelconque, ça vaut la peine mais se surmener socialement, un médecin qui se surmène parce qu'il a trop de clients, je ne comprends pas."

Gilles Deleuze, grand défenseur de la plainte 

En filigrane de la plainte (7) il y a toujours l'idée que 

"ce qui m'arrive est trop grand pour moi". 

Il y a la plainte du prophète 

"Mais pourquoi Dieu m'a t'il choisi? C'est trop grand pour moi". 

Il y a la plainte des exclus sociaux, du petit vieux, de celui qui a perdu son statut social, du type sur les galères, ce n'est pas de la jérémiade mais une revendication, une complainte un peu comme le blues des noirs américains (8) récemment affranchis qui se demandent ce qui leur arrive au moment même où ils perdent leur statut d'esclave. 

"Cette liberté, c'est trop grand pour nous".

 

Pour entrer dans la pensée de Gilles Deleuze

Le mieux est d'entrer dans l'œuvre par n'importe où, par le milieu de préférence.


Sinon, deux livres sont assez abordables:

bullet Dialogues. 
Gilles Deleuze en collaboration avec Claire Parnet. 
en livre de poche dans la coll. Champs Flammarion 1996.

 

bullet Pourparlers 1972 - 1990. 
Les éditions de Minuit 1990 
Réédité en 2003 dans la collection "Reprise"

 

avant d'enfourcher un balais de sorcière et de se laisser aspirer par le grand appel d'air que sont:

bullet L'Anti - Oedipe - Capitalisme et schizophrénie. 
Collection " Critique " 
Les éditions de Minuit 1972 / 1973.

 

bullet Mille Plateaux - Capitalisme et schizophrénie 2. 
Collection " Critique " 
Les éditions de Minuit 1980.

Deux outils récents (et excellents) viennent d'être édités:

bullet Le vocabulaire de Gilles Deleuze 
par François Zourabichvili 
Ed. Ellipses oct. 2003

 

bullet et Les cahiers de Noésis 
Centre de recherche et d'histoire des idées 
Le vocabulaire de Gilles Deleuze 
dirigé par Robert Sasso et Arnaud Villani 
Cahier n°3 printemps 2003

Les cours de Vincennes 

sur le site consacré à Gilles Deleuze. (Une mine +++) 
On y trouve, en particulier la transcription fidèle des cours de Gilles Deleuze sur Spinoza, Leibniz, Kant, Bergson, etc. 
http://www.webdeleuze.com

Quelques citations: 

http://perso.wanadoo.fr/minerva/Citations/Deleuze.htm 

Bibliographie (excellente) 

http://perso.wanadoo.fr/minerva/Biblio_Deleuze/Gilles_Deleuze.htm 

 

notes

(1) Foucault dans Theatrum philosophicum à propos "de deux livres qui me paraissent grands parmi les grands": Différence et répétition et Logique du sens. Dans Critique n° 282 de nov. 1970 pp 885-908. repris dans "Dits et écrits de Foucault" Quarto Gallimard tome 1. p 943-967. ...retour au texte

(2) "Philosopher c'est créer des concepts". Et Gilles Deleuze s'en est donné à cœur joie: Agencement, Corps sans organes, Déterritorialisation, Immanence, Machines désirantes, Nomade, Plis, Rhizome, Ritournelle etc... 
"Qu'est ce que la Philosophie" avec Félix Guattari Minuit ed. 1991 ...retour au texte

(3) juste après le point final du manuscrit "Différence et répétition". Tout comme le concept de l'éternel retour de Nietzsche il ne s'agit pas de tourner en rond et de faire toujours plus de la même chose mais tel un ressort d'ajouter à chaque fois une petite différence qui change tout. (Différence et répétition. Epiméthée - P.U.F. 1ére édition 1968 - nombreuses rééditions.)

"Je le retrouvai à l'issue des évènements de Mai sur la terrasse boisée au dessus de la rue de Tournon, amputé d'un poumon peut être d'avantage, mais guéri de sa tuberculose après une longue retraite dans le Limousin. "
 
Catherine Clément in 'Un jeune homme éternel' dans la réédition d'octobre 2005 du mythique numéro de l'ARC de mai 72 consacré à Gilles Deleuze ...retour au texte

(4) Dans la postface de "Quad" de Samuel Beckett, Gilles Deleuze écrit: "L'épuisé c'est beaucoup plus que le fatigué. Le fatigué a seulement épuisé la réalisation tandis que l'épuisé épuise tout le possible"...retour au texte

(5) "L'histoire de la Philosophie est faite pour empêcher les jeunes de penser.
Manola Antonioli a publié en 1999 aux éditions Kimé un excellent ouvrage intitulé 
"Deleuze et l'histoire de la philosophie" ...retour au texte

(6) Abécédaire de Gilles Deleuze. Entretiens filmés par Pierre-André Boutang. Lettre M comme Maladie. Deleuze ne voulait pas d'un film sur lui, mais il avait accepté l'idée d'un film avec lui, et avec Claire Parnet qui fut son élève, à l'unique condition que ce film ne soit projeté qu'après sa mort. 
Ce document est donc un abécédaire dont chaque lettre envoie à un mot, de A comme animal à Z comme zigzag. Des entretiens pendant lesquels les concepts et la vie de Gilles Deleuze se croisent et se mêlent. Il y a un résumé très détaillé de ces entretiens sur le web mais malheureusement et c'est consternant, il est en anglais: http://www.langlab.wayne.edu/CStivale/D-G/ABC1.html    ...retour au texte

(7) La lettre J comme Joie dans l'Abécédaire. 
et L'Élégie de Tiburce Cactule une des sources de la poésie ainsi que celles de Rilke que Michel Chillot nous a présenté par ailleurs. ...retour au texte

(8) voir BLUES et GOSPELS Marguerite Yourcenar, Gallimard, 1984. Recueil de textes traduits et présentés par Marguerite Yourcenar, et illustré de photographies de Jerry Wilson (mort du SIDA en 1986)...retour au texte

 

Et pour terminer: : Le dernier cours de Gilles Deleuze, Mardi 2 juin 1987.
Bel article d'ambiance de Giorgio Passerone, chercheur à l'Université philosophique européenne. Il est le traducteur en italien de Mille plateaux.

Vous pouvez lire cet article sur le site du  Magazine littéraire (n° 257 de Septembre 1988)

 

 

 

plan du site AMMPPU

accueil AMMPPU

AMMPPU
6 Quai Paul Wiltzer 57000 METZ
Tél : 03 87 31 98 98
Fax 03 87 32 07 14
email:

un lien rompu? un oubli? une erreur? une coquille? pensez à le 
Sauf mention contraire, ce document est la propriété exclusive de son auteur
 et ne peut être en aucun cas diffusé sur quelque support que ce soit
 (web, messagerie électronique, papier, etc.) sans autorisation préalable.
La reproduction comme l'impression en sont réservées à un usage personnel.