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Voulez-vous être évalué?
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Plus aucun d’entre nous n’ignore l’existence de l’ANAES: Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. Nous savons que de nombreuses pratiques sont déjà évaluées, que des hôpitaux sont en cours d’accréditation, et que très bientôt ce sera le tour de nos pratiques individuelles. Tout ceci s’est mis en place au jour le jour sur la base du volontariat et de la bonne volonté de certains d’entre nous mais peut être s’est-on peu interrogé sur la philosophie qui sous-tend ce dispositif ? Deux personnalités de renom Jean-Claude Milner et Jacques-Alain Miller se sont intéressés à cette question et vous n’allez pas être déçus. Faisons une présentation rapide des auteurs :
Tout ce travail de réflexion est parti d’un amendement déposé par Bernard Accoyer, député de Haute Savoie, lors de la première lecture, à l'Assemblée Nationale, de la loi concernant la santé publique. Cet amendement vise à encadrer les professions dites 'psy', en soumettant leurs praticiens à une évaluation, largement dominée par les psychiatres. Les deux intervenants, J.C. Milner et J.A. Miller, partagent une certitude: Derrière cet amendement, d'apparence médiocre, une grande affaire est engagée… qui débouche sur la conception générale de ce que peut et doit être une société moderne et engagée. Le raisonnement démarre par le rappel que l’évaluation est indissociable du couple problème/solution. Tout commence par l’axiome selon lequel il existe un problème. La solution au problème va consister à remplacer quelque chose qui fait problème par quelque chose qui ne fait plus problème selon une substitution par équivalence. Et cette substitution passe par l’évaluation. Dès qu’il y a évaluation il y a contrat et inversement, dès qu’il y a contrat, il y a évaluation. L’évaluation se fait a posteriori mais aussi a priori (accréditation). Et là, ça devient très intéressant car ils expliquent que notre société française est en train de passer d’un modèle démocratique fondé sur la loi, à un modèle démocratique fondé sur le contrat et ce n'est plus du tout la même chose. La tradition légiste c’est la version héritée, le dispositif du contrat, c’est très clairement le système américain. La différence entre loi et contrat ? La loi permet ce qu’elle n’interdit pas expressément, elle fonctionne autant par son silence que par ce qu’elle dit. Dans le contrat, seul compte ce qui est expressément stipulé, le reste ne compte pas, le silence ne fonctionne pas. Vous vous doutez bien qu’on ne passe pas d’un dispositif à l’autre du jour au lendemain. Il y a des transactions et le dispositif français est un système hybride avec un acteur qui fait l’interface : le haut fonctionnaire. C’est lui qui fait remplir une double tonne de paperasses afin de faire fonctionner les deux systèmes simultanément. Puis ils développent un point qui va vous plaire. Ils avancent que toutes les grandes doctrines économiques ont posé un 'en plus' qui excède toute forme de contrat, c’est 'la plus value', pas une valeur en plus mais un 'plus de valeur'. Quand un patient sort de notre cabinet avec une ordonnance, il y a quelque chose en plus qu’une réponse à une question, qu’un traitement en réponse à une maladie. Et cet 'excès' résiste à toute substitution par équivalence. Or le dispositif mis en place postule que tout peut être objet d’évaluation, qu’il n’y a pas d’insubstituable. Alors, et là c’est remarquable, ils se mettent à tout discuter et pour cela, remontent au tout début
JAM rappelle le mot superbe du docteur Henri Queuille, corrézien et ancien président du Conseil :
Et puis on peut toujours dire comme Magritte, même contre toute vraisemblance
Mais admettons qu’il y ait problème, poursuivent-ils, et bien la première solution à envisager est de ne pas le résoudre. Le problème devient alors la solution du problème. La solution, c’est la non solution. Et ils rappellent la formule de De Gaulle :
Ne racontons pas tout le livre que vous aurez plaisir à découvrir car Jacques-Alain Miller & Jean-Claude Milner font partie de ces auteurs qui donnent à penser bien au delà de leur dernier mot. Montaigne a écrit qu'un livre est fait d'un auteur et d'un lecteur qui enrichit l'œuvre.
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