Le médicament et l'exception culturelle françaiseDr Jacques Birgé
Scène 1 : une consultation de médecine générale en FrancePierre consulte car il a une infection virale respiratoire depuis la veille. Après interrogatoire «Qu'est-ce qui ne va pas ?" et examen clinique, il repart avec un sirop contre la toux, un collutoire, des bains de bouche, du paracétamol, voire de l'ibuprofène et des gouttes dans le nez... et revenez me voir si ça ne passe pas. Scène 2 : une consultation de médecine générale aux Pays-BasPeter consulte car il a une infection virale respiratoire depuis 3 jours. Après interrogatoire «Qu'attendez-vous de moi ?" et examen clinique, il repart avec de bons conseils : «Continuez le traitement que vous avez commencé (gargarismes avec de l'eau salée, bonbons au miel, gouttes dans le nez) qui est parfait»... et revenez me voir si ça ne passe pas.
Ces récits, qui ne sont pas des caricatures (le patient français a échappé aux antibiotiques et le hollandais n'a pas eu d'inhalations de pétales de tulipe), sont issus d'un rapport écrit pari S. Rosman (1) qui compare les pratiques de la prescription des médecins généralistes en France et aux Pays-Bas. En effet, nous sommes, nous, Français, les premiers consommateurs de médicaments d'Europe. Et nous en sommes, nous, médecins généralistes français, les principaux prescripteurs. Quelques exemples significatifs ;- La pilule contraceptive : ce moyen de contraception est le premier choisi par médecins et patientes en France alors qu'elle n'arrive qu'en 2° ou 3° position aux Etats-Unis ou au Canada. - Les médicaments anti Alzheimer : nos dirigeants (politiques et gériatres) nous accusent de dépister trop tard et de prescrire trop peu : mais nous sommes les champions du monde du taux de prescription des anticholinestérasiques. - Les «tranquillisants» : 8 fois plus, par habitant, qu'en Allemagne. - Les hypocholestérolémiants : 2 fois plus, par habitant qu'en Allemagne. - Et bien sur, les antibiotiques : 4 fois plus, par habitant, qu'aux Pays-Bas. Et non seulement, les médecins français prescrivent beaucoup de médicaments mais ils ont tendance à prescrire les plus récents, donc les plus chers et souvent les moins bien évalués : - Les céphalosporines de 3° génération (la référence en France dans de nombreuses affections ORL) ne sont quasiment pas prescrites en Belgique, en Allemagne, en Hollande et dans les pays du nord de l'Europe. - Les ARA2 sont souvent le premier choix de traitement de l'HTA alors que les thiazidiques restent la référence... - Pourquoi, Parmi les pays développés les consommateurs et prescripteurs français ont développé une telle appétence pour les médicaments ? Pourquoi 90% des consultations se termi |