L’exclusion.

Des carences affectives précoces à l’errance

 

Avec Dr Bernard BLANCHARD (1) expert pédopsychiatre
Soirée animée par
Compte rendu par

 

Soirée illustrée par le film " L’histoire de Franck et David " que Brigitte Lemaine a mis 9 ans à tourner, et qui est d’une grande richesse tant par les thèmes abordés que par la profondeur des témoignages.

L’errance et l’interdit de parole:

Chacun d’entre nous a vu ces zonards, ces errants, ces asociaux sans toit ni loi (2) qui déambulent dans des espaces où tous les coups sont permis ou qui restent immobiles dans des lieux où des gens bougent, passent mais ne parlent pas. Ces errants sont menacés par leur mode de vie (dénutrition, infections…) par les rencontres par les violences des institutions légales et présentent un trouble psychopathologique grave. Leur addiction, c’est le corps jeté dans l’espace en devenant étranger à soi même. La tête vide, la morosité, l’ennui, l’affect de " non affect ", mais contre quoi l’errant se défend-il ?

Et comment en est il arrivé là ?

La première des exclusions : le rejet familial précoce :

Une enfance marquée par des carences affectives précoces, abandons successifs, placements, nourrices, vécus d’injustices, de deuils, insultes…

La deuxième couche, l’exclusion scolaire :

L’institution scolaire constitue le premier véritable recours mais le plus souvent, le jeune enfant va se trouver rapidement en grande difficulté.

Les troubles du développement intellectuel et l’inadaptation scolaire constituent un symptôme une conséquence de rejet affectif et de violences familiales et non un problème inaugural.

Il y a toujours en amont de ce constat une souffrance initiale qui rend la pensée indisponible aux acquisitions scolaires.

Et l’école n’a pas les moyens d’analyser l’échec scolaire inévitable

Il s’en suit : moquerie, mise à distance, mépris, rejet, contresens d’orientations successives, classe de perf, voies de garage diverses qui changent de nom au fil des réformes, IME, IMPro…" Ce n’est pas mon monde, cela n’a rien à voir avec moi "

Une réponse inadaptée entraîne une souffrance qui entraîne une violence et un enfant qui souffre c’est un adulte qui souffre.

La troisième couche est l’exclusion sociale

Cette impossible orientation a fait glisser cette victime de l’exclusion affective à l’exclusion scolaire et enfin à l’exclusion sociale dont nous sommes partis

Notre rôle de généraliste.

Y penser comme la GEU, y penser toujours en particulier face à des troubles du sommeil, à des troubles des conduites alimentaires, à un état dépressif.

L’état dépressif de l’enfant se manifeste volontiers sous la forme d’une agitation maniaque qui est une tentative de compensation qu’utilise l’enfant pour lutter contre sa dépression. (conf. de consensus de l’ANAES : Les troubles dépressifs chez l’enfant)

Un enfant victime d’agressions sexuelles, est porteur d’un noyau traumatique. 

Si sur le mode thérapeutique on ne lui propose pas de mode d’évacuation de sa souffrance, et si sur le mode juridique il n’y a pas réparation par désignation du véritable coupable et de la victime, ce noyau traumatique va devenir le marionnettiste de l’intérieur de sa psyché et son mode fantasmatique d’évacuation de sa souffrance sera la violence.

Comment proposer à des parents d’emmener leur enfant chez un pédopsychiatre ?

" Je pense que votre enfant a été agressé et qu’avant qu’il y ait des conséquences plus graves pour lui, il est important qu’il rencontre une personne spécialisée. "

et prendre les devants :

" je me mets en contact avec … je lui envoie un courrier et j’attends sa réponse… "

Un des objectifs sera d’aider ce jeune à retrouver un image de lui même pour le regard des autres, pour celui de sa famille et avant tout pour lui même

Écouter un ado c’est être actif. S’il nous parle de transgression de la loi (viol, inceste, agression…) nous sommes engagés à un signalement. Il est essentiel que celui qui se sent coupable ou qui est désigné comme tel par le regard social acquière au plus tôt son statut de victime. Cette reconnaissance est déjà trop tardive

Cette attitude active est à mille lieux d’une simple écoute formelle dont la passivité aggraverait encore peu plus la violence.

Nous disposons à Metz d’un Centre d’accueil pour la santé des Adolescents C.A.S.A. qui peut être d’une grande utilité. ...lire

Quelques points importants :

" Ce qui est bien, c’est qu’il y a toujours quelqu’un qui à un moment ou à un autre, croit en vous… "

Les amis : La seule chose que l’on puisse faire à certains moments, c’est simplement de maintenir le contact avec une jeune en errance. C’est vrai aussi pour le médecin généraliste.

En errant, on accumule une culture de vie sur laquelle on va pouvoir s’appuyer (un peu dans le même ordre d'idées qu  la valorisation des acquis professionnels.)

Le généraliste médecin de famille :

Nous disions plus haut que les troubles du développement intellectuel et l’inadaptation scolaire sont une conséquence de violences familiales.

Le dysfonctionnement de la cellule familiale est donc le starter de toute cette cascade d’exclusions.

Or le médecin de famille dispose d’une position stratégique qui l’amène aux lieux mêmes où s’enclenche toute cette tragédie.

Mais comment intervenir ?

avec quelle formation ?

avec quels repères?

avec quels partenaires ?

Nous percevons ces questions comme un enjeu capital pour une FMC ultérieure.

 
(1) Pédopsychiatre hospitalier, Service Départemental de Médecine et Psychologie de l’Adolescent.
 
(2) "Sans toit ni loi" est le titre d'un film franco britannique de 1985 avec Sandrine Bonnaire, Macha Meril, Stéphane Freiss, Laurence Cortadellas, Marthe Jarnias... où une jeune fille est trouvée dans un fossé, morte de froid. Qui était-elle ? Aventures et solitude d'une jeune vagabonde (ni frileuse, ni bavarde) racontée par ceux qui ont croisé sa route, cet hiver-la, dans le Midi.

 

 

 

 

 

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