Auenbrugger et Corvisart
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Nouvelle méthode pour reconnaître les maladies internes de la poitrine par la percussion de cette cavité, par AUENBRUGGER.

ouvrage édité, traduit du latin et commente par J.N. CORVISART en 1808

 

présenté par J.M.Bolzinger
Metz le 28.01.2007

 

Beaucoup d’entre nous se souviennent que nous devons la découverte du procédé de l’auscultation à LAENNEC en 1816. L’origine de la percussion en médecine est moins connue, nous la devons à AUENBRUGGER qui l’a mise en évidence une centaine d’années avant la découverte de LAENNEC .

Joseph Leopold AUENBRUGGER, né en 1722 à Graz et mort en 1809 à Vienne, était fils d'un aubergiste. Pendant son enfance il eut l’occasion d’observer son père estimer le niveau de remplissage des tonneaux de vin en percutant leur paroi. Plus tard, lorsqu’il devint médecin adjoint à l'Hôpital militaire espagnol, il eut l’idée d’appliquer ce même procédé de percussion au thorax des malades et observa des différences de tonalités sonores selon les régions percutées. Il décida d’étudier ce phénomène de façon systématique et après sept ans de pratique, publia en 1761 un ouvrage en latin dont voici le début de la préface:

"Je vous offre, mon cher lecteur, un signe nouveau que j'ai trouvé pour découvrir les maladies de poitrine. Il consiste dans la percussion du thorax humain, dont la résonance diverse des sons détermine le jugement sur l'état intérieur de cette cavité. Ce n'est point la démangeaison d'écrire, ni l'exubérance des spéculations qui me fait publier ce que j'ai découvert touchant cet objet, mais ce qu'une observation de sept années m'a fait digérer et coordonner. J'ai bien prévu les graves écueils que j'avais à traverser, aussitôt que je publierais ma découverte". (…)

Curieusement, son travail sur la percussion ne suscita d'abord pas beaucoup d’enthousiasme dans la profession et ce procédé tomba quasiment dans l'oubli pendant une quarantaine d’années.

Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821), médecin personnel de Napoléon témoigne de cette omission regrettable :

" L'ouvrage d' Avenbrugger (…) a été traduit en français, et imprimé à Paris en 1770. M. Rosière de la Chassagne , Médecin de la Faculté de Montpellier, auteur de cette traduction , la publia à la suite de son ‘Manuel des pulmoniques, ou Traité complet des Maladies de la poitrine’. Quoique cette dernière époque soit très près de celle où je commençai mes études en médecine, je ne me rappelle point d'avoir entendu durant leur cours, citer le nom d'Avenbrugger. Pendant les années que je consacrai ensuite, dans les hôpitaux, à l'étude de la médecine pratique, il ne m'est jamais arrivé de voir les Médecins employer la méthode de la percussion de la poitrine, pour découvrir aucune des maladies de cette cavité. Jamais , non plus, je ne l'ai vue mettre en usage sur les malades dans la ville. Je ne la connaissais pas quand je commençai à enseigner la médecine clinique et, d'après ce que je viens d'observer , je peux affirmer que ce procédé était sans doute à peu près ignoré dans les écoles , et par le très grand nombre des médecins. "

Corvisart prend connaissance de la percussion décrit par AUENBRUGGER grâce aux ouvrages de Maximilien STOLL & William CULLEN et en est immédiatement enthousiasmé.

" elle me fit une vive impression , et je ne crois pas avoir jamais, depuis, omis l'emploi de ce procédé dans les affections de la poitrine les plus obscures, comme dans les moins douteuses. Il ne m'a jamais trompé, toutes les fois que la disposition physique des sujets m'a permis de l'exercer dans toute son intégrité , et j'avouerai franchement que j'ai vu tomber dans des erreurs grossières , par rapport à, la nature et au siège de beaucoup de maladies par l’ignorance ou l’omission de la percussion. "

Corvisart se met alors à utiliser systématiquement la méthode, à l'approfondir, à la peaufiner et au bout d’une vingtaine d’années de pratique, décide de retraduire le texte d’AUENBRUGGER, d’en corriger les erreurs et de l’enrichir de ses commentaires. Son ouvrage est publié en 1808, il est alors âgé de 53 ans, il possède une expérience clinique particulièrement riche et jouit d’une notoriété prestigieuse.

L’ouvrage en question décrit la technique de percussion (observations 1-2 et 3) puis développe minutieusement son application au diagnostic de très nombreuses affections cardio-respiratoires, en n’omettant pas d’indiquer celles dont le diagnostic n’en profite pas (les asthme, certaines formes de tuberculoses… observation 8).

A titre d’illustration, voici un extrait de l’observation 14 concernant l’anévrisme cardiaque :

"Signa anevrismatis cordis. Signum pathognomicum hujus mali est, quod locus, ubi cor situm obtinet, percussus in magna circumferentia y carnis percussae sonitum exacte referat,

Signes de l'anévrisme du cœur. Le signe pathognomonique de cette maladie est que la région du cœur, frappée dans une grande circonférence, rend un son exactement semblable à celui d'un morceau de chair frappé. "

Commentaire de Corvisart :

"Quel que soit le genre ou l'espèce d'anévrisme ou de simple distension existant, la percussion de la poitrine, dans l'endroit occupé par le cœur, est toujours un moyen infaillible pour le reconnaître. En effet, lorsque le cœur a subi une dilatation, que ce soit avec épaississement ou avec amincissement de ses parois charnues, le son que rend la poitrine dans sa région est toujours plus ou moins obtus, et quelquefois tout à fait nul. On peut même aller plus loin, et déterminer assez juste, par la percussion, le genre de l'anévrisme; c'est-à-dire, si le volume plus grand du cœur tient à un excès d'épaississement de ses parois, ou s'il n'est qu'un effet de leur amincissement, sans augmentation réelle dans sa substance. Ainsi la dilatation avec amincissement, est presque toujours plus considérable que celle avec épaississement ; d'où il résulte que la région du cœur résonne plus mal, dans une plus grande circonférence, dans le premier cas que dans le second.

En suivant exactement les résultats différents de la percussion , il est encore possible de distinguer, dans certains cas, quelles cavités du cœur sont le siège de l'anévrisme ; car alors le son est plus obtus, plus suffoqué à droite, quand la cavité droite est seule distendue, et vice versa, pour peu qu'on y joigne les principaux symptômes de la maladie et la connaissance du tempérament du sujet, etc. etc. Je conviens que ces distinctions ne sont pas faciles, et qu'il faut avoir acquis une grande habitude du procédé de la percussion pour les saisir. Mais cela montre du moins quelles immenses ressources peut fournir l’étude assidue de ce moyen et jusqu’à quel point de perfection peuvent arriver les sens dûment et fréquemment exercés.

Indéniablement CORVISART fut ce très grand clinicien qui porta la technique de la percussion bien au-delà de ce qu’AUENBRUGGER avait pressenti. Tout son ouvrage est filigrané d'une profonde admiration à l’égard de son aîné et constitue un respectueux hommage à celui que ses pairs avaient relégué dans l'oubli.

Sa conclusion est belle...

" Sans doute Auenbrugger n'a pas tout vu, ni tout dit sur les objets qu'il a traités ; il y a même des maladies qu'il n'a point saisies sous leur juste point de vue, mais si l'on se reporte au temps où il écrivait cet ouvrage, (en 1760), et si l'on veut se souvenir combien peu, à cette époque, on avait d'idées saines sur les maladies dont il parle, sans compter le procédé de la percussion dont il est l'inventeur et qu'il a su réduire à des règles très positives, on verra qu'il a beaucoup fait pour l'avancement de l'art, dans l'une des parties les moins avancées de la médecine pratique. "

 

La dernière édition disponible date de 1965 dans la très belle collection des éditions du Cercle du livre précieux

Connaître la technique de percussion du thorax

Savoir reconnaître la sonorité normale lors de la percussion d’un thorax


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