Second voyage à travers l'Amérique latine (1953-1956)
Otra Vez "encore une fois"
par Ernesto Guevara de la Serna
présenté par 26 décembre 2003
Le cubain le plus célèbre du monde est né Argentin : Ernesto Guevara de la Serna est né le 14 juin 1928 à Rosario dans une famille de la petite bourgeoisie aisée. Dès l'âge de deux ans le jeune Ernesto présente ses premières crises d'asthme à la suite d'une pneumopathie contractée en mai 1930 à la suite d'un bain dans les eaux froides d'un rio. Tout au long de son existence il sera handicapé par cet asthme dont les rebondissements émailleront ses carnets de route jusqu'aux derniers jours du journal de Bolivie en octobre 67.
Peut-être pour se soigner, plus probablement pour soulager son prochain, Ernesto décide, au début de l'année 1947, de devenir médecin et tout au long de sa vie il sera passionné par la science médicale, par les voyages (et la photographie) et par le besoin de participer à une véritable révolution.
Pendant l'été 1948, jeune étudiant en médecine, il décide de profiter de ses vacances pour rejoindre son ami Alberto Granado (1) qui travaille dans une léproserie de la cordillère à San Francisco del Chanar. Il découvre
"la misère, la faim, l'impossibilité de soigner des enfants faute de moyens et l'avilissement causé par l'injustice et la souffrance",
En 1951 Ernesto et Alberto réalisent un premier voyage de 7 mois et de près de 10.000 km en Amérique Latine. En Amazonie, ils rallient sur un esquif la léproserie de San Pablo au Pérou. Estimant non contagieuse la forme de lèpre qui atteint les Indiens, ils les débarrassent de leurs bandages et jouent au football avec eux. Ils réalisent la pauvreté et les conditions sanitaires désastreuses des masses populaires et Ernesto décrit dans son journal les intuitions prémonitoires qui le conduiront quelques années plus tard à s'engager aux cotés des guérilleros cubains.
En juin 1953, il reçoit son diplôme de médecin, il est gradué en médecine après avoir soutenu une thèse sur les allergies. Un mois plus tard, il entame son second voyage à travers l'Amérique latine avec Carlos Ferrer dit Calica, fils du Dr Ferrer Moratel qui l'avait soigné. Ils traversent l'Argentine, la Bolivie, le Pérou, l'Équateur et s'arrêtent au Guatemala, à la fin 1953.
Là, Ernesto forge sa culture marxiste et rencontre Hilda Gadea qui sera sa première femme. Puis il se rend au Mexique retrouve des cubains qu'il a connus au Guatemala. Ils le surnomment "Che", amusés par les "Che" qui ponctuent ses phrases. (che : interjection que les argentins utilisent pour attirer l'attention). Pendant tout ce périple, Ernesto subsiste tant bien que mal et tente de gagner sa vie comme il peut.
Panama, le 10 novembre 1953. Note parue dans le quotidien La Hora:
Les étudiants argentins Eduardo Garcia de la faculté de droit de l'Université de la Plata et le Dr Ernesto Guevara, spécialiste de l'allergie et de la lèpre, ont visité hier la rédaction de la Hora…
Début 1955 il écrit dans son journal:
"Mon travail à l'hôpital marche bien, quoique je me rende en permanence compte qu'en dehors de l'allergie, je ne sais rien en médecine" "Je vais faire une expérience d'électrophorèse, mais je n'ai aucune idée du résultat."
En avril 1955, Ernesto Guevara présente une communication au congrès national d'allergologie de Mexico sur le thème "Recherches cutanées avec des antigènes alimentaires semi digérés".(2)
En juillet 1955 il fait une rencontre décisive:
"J'ai parlé pendant toute une nuit avec Fidel et, le lendemain matin, j'étais déjà le médecin de la future expédition."
Mais nous entamons là une toute autre histoire…
Comme beaucoup de ces jeunes Sud-Américains des classes moyennes et de la bourgeoisie qui visitent le continent, Ernesto Guevara aurait pu à la fin de ces voyages regagner son pays et entamer une paisible carrière de médecin. Mais, le choc décisif de la misère qu'il venait de rencontrer le décide à abandonner son pays natal, sa carrière et les confortables revenus qu'elle aurait pu lui assurer pour s'engager dans la lutte révolutionnaire dans un pays lointain.
Le 10 mai 1954 il écrit à sa mère
"Au Guatemala je pourrais devenir très riche… ouvrir une clinique et me consacrer à l'allergie. Faire ça serait la plus horrible trahison aux deux "moi" qui se battent en mon for intérieur, le socialo et le voyageur"
Et le 15 juillet 1955 il lui écrit encore:
"C'est vrai qu'enfermé au sein d'une organisation bureaucratique ou dans une clinique pour maladies allergiques, je m'emmerderais. Malgré tout, je trouve que cette douleur, la douleur d'une mère qui entre dans la vieillesse et veut voir son fils vivant, est respectable, que j'ai l'obligation d'y être attentif…"
Enfin en octobre 1956:
" …et tu sauras alors que ton fils, dans un pays américain ensoleillé, se maudira lui-même de na pas avoir étudié un peu de chirurgie pour aider un blessé…. et on luttera dos au mur, comme dans les hymnes, jusqu'à vaincre ou mourir… Je crois que je pourrais dire comme un poète que tu ne connais pas - Je n'emporterai sous la terre que le cauchemar d'un chant inachevé-"
Entre confrères…
Jeune diplômé, Bernard Kouchner pestait contre l'omnipotence des mandarins et avait dédié sa thèse à Ernesto Che Guevara. (3)
Aleida Guevara, fille du Che , est médecin, pédiatre, spécialisée en allergie et travaille à l'hôpital William-Soler à La Havane.
" J'ai quarante-trois ans, je suis divorcée, j'ai deux filles adolescentes qui remplissent ma vie de leur amour, leurs rires, leurs craintes. Et puis je suis fille de Che Guevara. J'ai cet honneur, bien que je me présente souvent comme un " accident génétique ". (...) L'important n'est pas de qui on est l'enfant (ce n'est pas un mérite acquis par nos efforts), l'important est d'être utile à son peuple "
Elle dit ceci de son père :
" Jusqu'à ses derniers moments et malgré les multiples tâches qu'il devait réaliser, il n'a jamais cessé de sentir qu'il était médecin et il a agi en tant que tel. Dans la lutte, il était un chef militaire mais il utilisait ses connaissances médicales pour soigner les blessés et la population environnante."
http://www.medicuba.ch/default.asp?lang=FR
Freddy Ilunga, aujourd'hui médecin à Cuba, est congolais, il avait 16 ans lorsqu'il est parti dans le maquis sans formation politique. Il a été le premier traducteur d'Ernesto Che Guevara en swahili, au Congo en 1965, sur les bords du lac Tanganyika. Freddy Ilunga est devenu médecin pour humaniser le monde, il n'a pas cessé depuis, après avoir traduit les mots qui sortaient en français de la bouche du Che, d'interpréter son message
"Ce dont je me souviens, le dernier jour que j'ai vu Tatu, c'est quand on devait me transporter car j'étais sorti du coma, je pouvais entendre mais pas parler, il m'a embrassé et m'a dit : "Ne t'en fais d'ici peu tu seras avec nous". Il a tourné le visage et n'a pas suivi ma civière du regard, je pensais que j'étais condamné, j'ai su après qu'il avait tourné la tête parce qu'il avait des larmes dans les yeux et qu'il ne voulait pas que les gens voient qu'il pleurait."
Bibliographie
Le très beau texte " Tu va mourir , vieille María " se trouve à l'adresse : http://www.geocities.com/marxist_lb/Ernesto_Che_Guevara.htm
Ainsi que le Livre Commémoratif sur le Che publié en intégralité sur le Web
"Che, commandant, Ami" de Marie-Dominique Bertuccioli et Juan Andrés Neira Franco
http://perso.club-internet.fr/vdedaj/cuba/livre_che_01.html
Latinoamericana : journal de voyage Ernesto Che Guevara, Alberto Granado ; préface de Ramón Chao ; traduit de l'espagnol par Martine Thomas. [Paris] : Austral, 1994. -- 331 p
Second voyage à travers l'Amérique latine (1953-1956)
Otra Vez "encore une fois"
par Ernesto Guevara de la Serna
Coll. Mille et une nuits, département de la librairie Arthème fayard
Mai 2002
notes :
(1) Alberto Granado Jiménez est né en 1922 à Cordoba en Argentine. Il obtient son diplôme de médecin en 1948 et se consacra à la recherche scientifique. Il vivait encore à la Havane en 2001 (date à laquelle j'ai perdu sa trace) ...retour texte
(2) travail présenté au IX° congrès des allergologues qui s'est tenu du 25 au 30 avril 1955 à l'Ecole de médecine de Léon, université de Guanajuato et publié dans la revue Iberoamericana de Alergologia, Mexico D.F. mai 1955 (p. 157) ...retour texte
(3) cité dans Le Nouvel Observateur Dossier - 27/08/1998 - N°1764 La nouvelle bataille de la médecine: Vaincre la douleur par Marie-France Etchegoin...retour texte