Jacqueline Lagrée
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Le Médecin, le malade et le philosophe.

par Jacqueline Lagrée

présentation Jean-Michel Bolzinger
Dimanche 30 janvier 2005

 

Jacqueline Lagrée est philosophe et enseigne à l'Université de Rennes 1. Depuis une quinzaine d'années, elle dialogue avec le monde médical au sein du Comité régional d'éthique de Rennes.

Ce livre très important qu'elle publie aujourd'hui aborde des questions d'éthique fondamentales qui concernent chacun d'entre nous. 

"Il est bon que la réflexion qui précède une décision toujours singulière - qu'elle soit le fait du malade ou du médecin - soit précédée d'une réflexion plurielle qui permette de multiplier les points de vue, de se décentrer, de prendre du recul face à une situation urgente". (p.17)

Son livre s'ouvre sur un premier chapitre intitulé 'Qui soigne t'on?'

Jacqueline Lagrée aborde la question de la définition de la personne humaine, de ses délimitations, quand commence t'elle, quand finit elle? 

La personne humaine ne se comprend que dans l'articulation de trois plans distincts: biologique, relationnel et symbolique.

A partir de ce préalable elle fait rebondir sa réflexion du cas d'un cadavre, à celui d'un embryon surnuméraire, en passant par le clonage thérapeutique. Puis elle débouche sur l'autre enjeu de la bioéthique que constitue le don d'organes et les ambiguïtés qui s'y rattachent. Elle nous rappelle que si pour le médecin, l'organe transplanté a valeur de prothèse, celui ci est fortement investi symboliquement comme une partie du donneur, tant par la famille du donneur que par celle du receveur.

 

Suit le deuxième chapitre 'Ce que parler veut dire'

que Jacqueline Lagrée entame d'entrée avec une citation de Démosthène:

"Le commencement de toute vertu, c'est consultation et délibération"

Elle part donc de la consultation et du dialogue qui s'y déroule

"La qualité du dialogue qui se noue entre le médecin et le malade n'est pas seulement une des conditions de l'optimisation de la thérapie, c'est aussi le lieu, parmi d'autres où se joue notre accès à l'humanité pleine et entière."

Elle aborde la question de la confiance et de la vérité, celle du secret médical et du droit du patient de savoir mais aussi, et c'est moins banal, du droit de ne pas savoir.

 

Le troisième chapitre concerne la pratique médicale.

Elle décrit merveilleusement bien les ruptures qu'opère la maladie, rupture du soi, rupture du temps vécu.

Elle pointe quelques déviations morales de l'action:
 

la notion médico économique de QALY 
(ex. une année de vie en bonne santé vaut 1, une année passée en hémodialyse vaut 0.57, une HTA traitée vaut 0.98, 10 années de vie avec un état de santé évaluée à 0,5 équivalent à 5 années de vie en bonne santé) La question étant de savoir si la qualité de vie est quantifiable (p.131 et sur ce lien au milieu de la page)
 

l'acharnement thérapeutique 
qu'elle aborde à partir de ce qu'écrit dans son journal le  Pr Jean Bernard qui revient d'une visite au Pr Jean Delay qui

"attend de ceux qui le soignent ces paroles de réconfort qui ne viennent pas".
 

l'euthanasie
qu'elle entend ne pas décriminaliser mais qu'elle souhaite voir dépénalisée dans certains contextes, position singulière s'il en est.

Puis elle aborde la question si essentielle des soins palliatifs, de l'accompagnement, de la thérapeutique de la douleur et de la prise en compte de la souffrance. Elle reprend la belle comparaison de Pierre Mussault: 

L'accompagnant est comme quelqu'un qui accompagne un ami à la gare: il fait un bout de chemin avec lui, marche à son rythme, l'aide à porter sa valise mais, une fois arrivé sur le quai, le voyageur prend seul le train tandis que l'autre reprend sa route.

et elle ajoute:

faire de cette nécessité de mourir une nécessité libre et de l'heure naturelle et contingente de la mort, un moment d'humanité

 

Enfin il y a ce beau quatrième chapitre, qui parle des vertus du malade et du médecin

et qu'il faut lire in extenso, lentement avec délectation comme on lit l'Ethique de Spinoza, comme on médite Epictète et certaines phrases de Malraux...  Jacqueline Lagrée nous fait réfléchir l'approche de sa mort, plaide pour une éthique de la sollicitude, nous redit les vertus de la lucidité, de l'humilité, de la fidélité, les vertus de l'intelligence et de la force d'âme (ce courage à surmonter sa peur), les vertus de la présence et de la relation. 

 

Et puisqu'il faut enfin prendre congé, elle nous laisse sur le chemin de la réflexion par ce final ainsi sous titré:

La médecine art de la vie

 

 

Si vous souhaitez lire une présentation plus détaillée de cet ouvrage, je vous invite à lire  l'excellent article de notre confrère Daniel Dreuil médecin à Villeneuve d’Ascq qui donne en préalable une belle explication de ce qu'on entend aujourd'hui par l'éthique médicale.

 

Pour tout ce qui a trait à la philosophie spinoziste qui trame ce livre en filigrane consultez l'excellentissime site d'Henrique Diaz spinozaetnous.org

 

 

Le Médecin, le malade et le philosophe
Jacqueline Lagrée
Bayard éd. 2002

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