Malika Mokeddem
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L'interdite

de Malika Mokeddem

 

présenté par Jean-Michel Bolzinger
Metz le 19 novembre 2006

 

Malika Mokeddem est néphrologue et a exercé au Médipole de Cabestany et à Montpellier. Elle est une militante très active contre l’intégrisme et à ce titre, est régulièrement menacée. Elle est par ailleurs une excellente navigatrice

« Pour moi, la mer, espace de liberté a remplacé le désert. »

Elle est née en 1949 à Kenadsa du côté de Colomb-Béchar. Dans ce coin de désert algérien, cernée par le vide minéral, elle avait tout contre elle. Un père pour qui les filles sont quantité négligeable, une mère qui perpétuait la tradition de servitude des filles, un village sous la coupe des intégristes. Comment a t’elle pu passer de cette condition aux services de dialyse français ?

Le livre ‘L'interdite’ raconte tout cela dans un mélange de fiction et de réalité. Le personnage principal est Sultana. Elle a grandi en Algérie et a choisi l’exil pour échapper à la condition faite aux femmes de là bas. Elle est devenue néphrologue à Montpellier. Un jour, elle reçoit une lettre de Yacine, un homme qu’elle a aimé, cette lettre est postée d’Aïn Nekhla le village où elle a grandi. Rapidement, elle apprend que Yacine, médecin lui aussi, vient de mourir et elle décide de le remplacer quelques temps au dispensaire.

Je vois. Je pique. Je couds . Je vois. Je pique. Je plâtre. Je vois. Je pique. J’incise. Quand ils sont tous partis, le dard de leur mal est en moi, lancinant. Les relents de leur détresse étouffent l’atmosphère. Le cabinet me fait l’effet d’une fosse commune, surpeuplée. J’ouvre la fenêtre. Des âmes mortes s’échappent en fumée. L’éclat du ciel est un rire démoniaque qui balaie les derniers gémissements

La pratique médicale de Sultana est rythmée par des koulchites (1) de toutes sortes.

Je vois une koulchite aiguë, une inflammation de l’âme et de l’être chez une jeune femme de seize ans. Elle vient de se marier. Je vois une koulchite chronique, cri muet et gangrène du quotidien chez une mère prolifique : onze enfants et le mari ne veut toujours pas entendre parler de contraception. Je vois une koulchite terminale, un cœur qui baratte du vide dans un corps d’argile. C’est une femme de quarante ans sans enfant. Je vois une koulchire hystérique…injection de valium pour celle ci, à la carte pour les autres. (...)

Je fouille les koulchites. Koulchites en vrac, souffrances en morceaux, en monceaux en inextricables écheveaux. J’essaie d’en trouver les bouts. J’écarte, je démêle, je trie. Je me décourage. Entre les tenailles du temps grince mon exaspération ... La perte du sens est une koulchite sous presse, un noyau de détresse dans chaque cellule du corps de la fatalité.

Là bas, elle fait la rencontre de Vincent qui a bénéficié d’une greffe rénale avec qui naît une histoire d’amour qui va lui valoir la furie des intégristes religieux, le tonnerre des fanatiques et des obscurantistes.

'Ils’. Tout le mode ici dit ‘Ils' en parlant de ceux du FIS. Ils, à la fois sauterelles, variole et typhus, cancer et lèpre, peste et sida des esprits.

‘Ils’, elle les affronte avec la détermination, la rage et la furie d’une femme qui incarne toutes celles qui ont été laminées par des vies d’affronts. Superbe, rebelle, altière devant la bêtise, définitivement debout face à la tyrannie de l’ordre tribal. Mais toutes ne sont pas à terre et comme souvent, ce sont des femmes que viennent les grands mouvement d’humanisation.

Les femmes ici sont toutes des résistantes. Elles savent qu’elles ne peuvent s’attaquer de front à une société injuste et monstrueuse dans sa quasi totalité. Alors, elles ont pris le maquis du savoir, du travail et de l’autonomie financière. Elles persévèrent dans l’ombre d’hommes qui stagnent et désespèrent. Elles ne donnent pas dans la provocation inutile et dangereuse. Elles feintent et se cachent pour ne pas être broyées mais continuent d’avancer.

C’est en défiant la bêtise que Malika Mokeddem s’est construite, en devenant médecin qu’elle a sauvé des vies et en devenant écrivain qu’elle s’est sauvée elle même. Son écriture est belle, authentique, frémissante de passion, aiguisée comme le sillage du voilier, éclaboussée par les gouttelettes des vagues féroces mais maintenant le cap, quoi qu’il advienne.

Dis aux femmes que même loin, je suis avec elles.

 

Notes

(1) "Quand tout (en arabe algérien koulchi) est douloureux, il s'agit de la koulchite, pathologie féminine très répandue et si bien connue. Koulchite symptomatique des séismes et de la détresse au féminin." retour

Bibliographie

bullet Le Siècle des sauterelles
Ramsay, 1992
bullet L'interdite
Grasset, 1993
bullet Des rêves et des assassins
Grasset, 1995
bullet Les Hommes qui marchent
Grasset, 1997
bullet La Nuit de la lézarde
Grasset, 1998
bullet N'zid
Grasset, 2001
bullet La transe des insoumis
Grasset, 2003
bullet Mes hommes
Grasset, 2005

Photos

http://www.biosstars.com/m/malika_mokeddem/2005/mouans-sartoux.htm

 

 

 

 

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